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S'asseoir au bord du monde
29 juin 2017

Que faut-il pour rallumer les étoiles ?

lac

(Photo - ©PavillonNoir 2017)

 

*

Que faut-il pour rallumer les étoiles?

(hormis le faite que ça faisait trois ans que j'avais pas foutu les pieds de mon crayon ici, fichtre!! Me re'v'la! Salut à toi...)

 

  À l'époque, on allumait les réverbères, un à un. C'était le falotier qui s'en occupait. Il se rendait chaque soir nourrir les becs de gaz. Unes à unes donc, ça et là, les lueurs se dispersaient lentement dans les rues, pour éclairer le petit monde diurne qui naissait. Je me dis que ça devait être un moment assez chouette, de passer dans une rue qui s'assombrissait doucement, et de lever les yeux sur ce personnage perché sur son échelle qui par son geste faisait éclore la lumière. Que celle-ci devait se répandre lentement le long des pavés, pour redessiner les formes autour d'elle. Et qu'à chaque fois qu'on voyait apparaître le bonhomme, son échelle sous le bras, on se préparait à entrer dans la nuit, comme lorsque, fatigués ou refroidis, on entre sous des couvertures. En plus d'assister au spectacle de la nuit, on assistait à celui là.

  Aujourd'hui c'est l'progrès. L'éléctricité. La vitesse. Oh, bien sûr, c'est pratique! C'est pratique. Le soleil n'est pas entièrement couché que la chappe de plomb orangée s'abat sur les villes. Simultanément, d'un lieu à l'autre, les lampadaires font la nique à la nuit.

  Bon alors faut s'éloigner un peu. Faut sortir du réseau arachnéen des lampadaires. Faut aller là où la nuit est encore permise. Là où elle peut s'installer par petites touches, lentement. Parce qu'en faite, en plus d'éclairer, les lampadaires ils arrêtent brusquement le temps. Ces longues minutes où d'un jaune tu passes à un vert, où d'un rouge tu passes à un violet, via un panel de tons plus surpenants les uns que les autres. Ce moment quand même un peu magique, pour les yeux, où ce grand monde qui t'entoure semble s'emparer chaque soir d'une palette de peinture pour redessiner les paysages toutes les secondes. Et c'est jamais le même. On dirait, mais non. Comme quand tu passes d'une boîte de trois feutres aux couleurs primaires à une malette de trente crayons de couleurs. Ça change tout.

  C'est la manière qu'a de s'installer la nuit. Elle toque d'abord, elle se présente, poliment, puis elle vous offre un bouquet de couleurs sur le seuil de la porte. Une fois entrée, elle vous fait des compliments aux yeux, elle vous enchante, elle vous caresse. Et elle vous parle de la Beauté. Puis elle vous prend la main, et vous invite à la suivre. En faite, la nuit, elle est hyper romantique. Pas de cette drague lourde juste pour vous pécho fissa. Cette drague à la mode lampadaire. Bourrine. Que dalle. La nuit, c'est une artiste. Elle sait chanter, elle sait peindre, elle sait danser, et une fois dans ses bras, elle vous couvre de tendresse pour pas que vous soyez effrayé par les ténèbres.

 Et moi je voudrai bien qu'il y ait un falotier 2.0. Du genre de celui qui éteindrait un à un tous les lampadaires des villes, pour à la place de chacun rallumer une étoile. Rien qu'une fois quoi. Pour que tous ces gens dans leurs boîtes, dans leurs maison-boîte, dans leur bureau-boîte, dans leur voiture-boîte, dans leur magasin-boîte, et toutes ces millions de boîtes qui nous mènent à une boîte-sous-terre, que tous ces gens ils sortent de leur boîte, et puissent à nouveau assister à ce spectacle millénaire. Qu'ils lèvent les yeux au ciel pour se rappeler qu'ils sont vivants, et que quand la nuit vient, ce n'est que pour que le jour renaisse. Hors des boîtes. Après tout, si tu mets une boîte en travers de la lumière, et que t'es dedans, c'est foutu. Et tu vivras dans les ténèbres.

Quand j'sr'ai grande, je serai falotier des étoiles.

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